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Bilan : un dispositif Pinel controversé mais structurant pour l'immobilier neuf selon la Cour des comptes

La loi Pinel, en place depuis 2014, favorise-t-elle vraiment la construction de logements neufs ou représente-t-elle un coût excessif pour l'État ? © DR

Lancé en 2014, le dispositif Pinel a relancé la construction en zones tendues, mais à quel prix, s’interroge la Cour des comptes. Un récent rapport remet en cause son efficacité et son coût pour les finances publiques.



Le 5 septembre 2024, la Cour des comptes a publié un rapport détaillant le bilan de la loi Pinel, un dispositif fiscal d'aide à l'investissement locatif en vigueur depuis 2014. Alors que la niche fiscale s'apprête à disparaître d'ici la fin de l'année, son impact sur le marché immobilier est source de débat. D'une part, le Pinel a encouragé la construction de logements en zones tendues, mais d'autre part, il s'est avéré coûteux pour les finances publiques, avec une efficacité relative en termes de réponse à la crise du logement. Retour sur les conclusions de la Cour des comptes et les réactions des différents acteurs du secteur immobilier.  

Un dispositif favorable à la construction, mais à quel coût ?

  Depuis sa création, la loi Pinel a coûté 7,3 milliards d'euros aux finances publiques. Ce montant résulte principalement des réductions d'impôt accordées aux investisseurs qui ont choisi de placer leur argent dans des logements neufs destinés à la location, dans des zones où le marché locatif est particulièrement tendu. Selon la Cour des comptes, bien que ce mécanisme ait permis de financer une partie de la construction immobilière, son coût élevé pour l'État soulève des questions, notamment en matière d'efficacité budgétaire.
Le Pinel repose sur un principe simple : il propose une réduction d'impôt Pinel proportionnelle à la durée de mise en location du bien (6, 9 ou 12 ans), avec des plafonds de loyers et de ressources des locataires imposés. L'objectif affiché était de stimuler la construction dans les zones où la demande locative est forte, tout en facilitant l'accès à un logement pour des ménages modestes. Sur ce plan, la Cour des comptes reconnaît que le dispositif a « largement contribué au déclenchement d'opérations immobilières qui n'auraient pu, ou moins rapidement, aboutir ». Les effets concrets sur le nombre de logements créés restent difficiles à quantifier, en raison du manque de données précises, regrette la Cour des comptes.  

Une répartition géographique inégale

  Le rapport souligne également que la majorité des logements Pinel ont été construits en « zones tendues » (zones A et B1), mais très peu en « zones très tendues » (zone A bis), où les besoins sont pourtant les plus importants. Moins de 4 % des logements Pinel se trouvent en zone A bis, correspondant aux secteurs les plus recherchés, notamment en région parisienne. Ce phénomène s'explique en partie par la rareté et le coût élevé du foncier dans ces zones, qui rendent les opérations immobilières plus complexes et moins attractives pour les promoteurs.
Le dispositif Pinel cible-t-il efficacement les zones où la demande de logements neufs est la plus forte en France ? S'interroge la Cour des comptes.
Cette inégale répartition a eu pour conséquence de ne pas répondre pleinement à la problématique de logement des ménages modestes dans les zones où la pression locative est la plus forte. En revanche, la loi a permis de dynamiser certains territoires plus éloignés, contribuant, selon la Cour, à des projets de requalification urbaine, notamment par la réhabilitation de friches industrielles. Lire aussi - Comment fonctionne le zonage Pinel ?  

Un outil surtout prisé par les ménages aisés

  Parmi les critiques formulées à l'encontre du Pinel, la Cour des comptes pointe son attractivité pour les ménages aisés, plutôt que pour ceux à la recherche de solutions locatives. En effet, 69 % des investisseurs bénéficiaires de la réduction d'impôt appartiennent aux 10 % des ménages les plus riches, et la plupart d'entre eux sont déjà propriétaires de leur résidence principale. Ce constat met en lumière le fait que le Pinel a surtout profité aux particuliers en quête de défiscalisation, ce qui a limité son impact en tant qu'instrument de politique sociale du logement. Découvrir également - Comment investir éthique dans l’immobilier neuf ? D'autre part, l'enquête menée par la Cour montre que 92 % des investisseurs ont cité l'avantage fiscal comme la principale motivation de leur investissement, avant même l'intérêt patrimonial ou locatif. Ainsi, la défiscalisation semble avoir primé sur l'objectif initial de favoriser un parc locatif durable et accessible, rapporte la Cour.  

Un effet modérateur sur les prix du logement

  Malgré ces critiques, le Pinel n'a pas été sans effets positifs. Dans certains quartiers auparavant peu attractifs, les logements construits grâce au dispositif ont contribué à stabiliser, voire modérer les prix de l'immobilier. Le rapport mentionne notamment des villes comme Aubervilliers, Saint-Denis ou encore Saint-Ouen, où 20 à 30 % des constructions neuves sont issues du Pinel, soit un nouveau souffle à des secteurs en pleine mutation.
Dans les zones plus tendues, le dispositif a toutefois eu tendance à pousser les prix vers le haut. Les investisseurs, cherchant à maximiser la rentabilité à terme, sont souvent enclins à revendre leur bien une fois la période de défiscalisation terminée, ce qui limite la pérennité du parc locatif intermédiaire.  

Le Pinel voué à disparaître : et maintenant ?

  La disparition programmée de la loi Pinel à la fin de 2024 a suscité des réactions mitigées au sein du secteur immobilier. Alors que le gouvernement justifie sa décision par la nécessité de maîtriser les dépenses publiques, certains professionnels estiment que cette suppression pourrait aggraver la crise de l'offre locative. Pascal Boulanger, président de la Fédération des promoteurs immobiliers, FPI, rappelle que la fin du Pinel intervient à un moment où le marché de l'immobilier connaît déjà un fort ralentissement des transactions : « Si on arrête le Pinel, je ne sais pas où on va », a-t-il déclaré.   Lire aussi - Arnaque ou aubaine ? Faites-vous votre avis sur le dispositif Pinel
De son côté, la Cour des comptes appelle à réfléchir à des alternatives, en envisageant notamment de mobiliser les investisseurs institutionnels (banques, assureurs) plutôt que les particuliers. Les auteurs du rapport recommandent aussi de doter tout nouveau dispositif d'objectifs mesurables et d'outils de suivi plus rigoureux, afin de mieux évaluer son impact sur le long terme.
En somme, le bilan de la loi Pinel est pour le moins contrasté. Si elle a permis de soutenir la construction de logements dans des zones où la demande locative est forte, son coût pour les finances publiques et son efficacité limitée en matière de logement social soulèvent des interrogations. À l'approche de sa disparition, la question demeure : quelle sera la prochaine étape pour relancer la construction tout en répondant aux besoins des ménages modestes dans un contexte immobilier toujours plus tendu ? L'enjeu sera de trouver un dispositif plus ciblé, mieux encadré et plus performant pour répondre à la crise du logement. 
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